UN HABITAT STÉRILISÉ


stérilisation réglementaire

Quand on examine le cadre réglementaire de l’habitation en France -règlements d’urbanisme, de voirie, de copropriété, de location...- on constate que de très nombreuses règles interdisent aux habitants de s’activer hors de leur logement (par exemple : ne rien déposer dans les parties communes ou dans le domaine public, ne pas modifier l’apparence extérieure de son habitation, s’abstenir de mettre des plantes, du linge, des mobiliers à la vue des voisins et des passants, ne pas jouer sauf dans des endroits très précis, etc). On peut comprendre au cas par cas le bien-fondé d’une règle ou d’une interdiction, pour éviter des conflits de voisinage, ou des accidents,. Mais les conséquences de ce cadre réglementaire sont impressionnantes : les lieux sont conçus, réglementés et gérés pour que rien ne s’y passe et que rien ne change. Les habitants sont réduits à l’inaction. L’habitat est figé. Il est stérilisé. Dans les rues résidentielles on n’observe plus guère de vie riveraine apparente.


Stérilisation routière

Une logique de sécurisation « routière » peut être appliquée à la circulation dans les rues. Elle conduit à considérer les rues comme des routes (multiplier les pistes de circulation, les glissières de sécurité, les giratoires, les garde-fous, les barrières ; minimum de traversées, de rencontres, de mélanges, et minimum de points d’échange avec les riverains). Au nom de principes de sécurité valables pour des routes, on bloque des processus propres aux rues de la ville : le mélange des modes de circulation, et les interactions entre les passants.


Stérilisation résidentielle

Une autre logique de sécurisation peut être appliquée aux habitations riveraines des rues. On les sécurise sous forme de résidences ( enclos sécurisés, grilles, digicodes, interphones, vidéosurveillance, entrées contrôlées de parkings, espaces verts tampons ). L’habitation ouverte sur la rue est considérée comme en danger. On la renferme sur elle-même, et on réduit au minimum les entrées et les échanges entre la voie et les riverains. Au nom de la sécurité, on bloque toute une autre part des processus propres aux rues de la ville, les interactions avec les riverains.


Un même principe sous-tend ces démarches: « on ne peut pas faire confiance ».
- On ne peut pas faire confiance aux automobilistes, aux piétons, ou aux cyclistes. On multiplie les dispositifs pour les guider, les séparer, leur imposer des trajectoires. Sécurité routière oblige.
- On ne peut pas faire confiance aux habitants, on doit craindre et empêcher tout ce qui est intempestif ou spontané.
Mais davantage de sécurisation produit davantage de défiance. Or restaurer une sécurité durable suppose de restaurer la confiance. Ces deux mouvements sont antagonistes. Loin de contribuer à la sécurité, sécuriser à outrance peut mener à des situations critiques, et s’avérer contreproductif. Le remède peut s’avérer pire que le mal. Loin de construire un habitat où nous soyons en sécurité, nous construisons ainsi un habitat stérilisé, caractérisé par l’absence de vie sociale informelle dans les rues. Résultat : les rues paraissent inhabitées, désertées.

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reconquérir les rues nicolas  soulier

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